des idées derrière la tête
À tous les repas pris en commun nous invitons la liberté à s’asseoir. La place demeure vide mais le couvert reste mis.
René Char
Parlons un peu de l’aveuglement de Fabius et consorts (ou de leurs complicités avec la Turquie, le Qatar, l’Arabie saoudite) qui veulent abattre Bachar el-Assad et son gouvernement, alors qu’il est le dernier laïc du coin ! L’Occident armant les soi-disant rebelles et innombrables djihadistes qui martyrisent le peuple syrien depuis quatre ans, violant, torturant, décapitant. Erdogan, sunnite de son état, ayant ouvert en grand ses frontières pour le parcours du combattant. Son premier ministre a osé défiler avec nous tous, c’est incroyable !
Que les musulmans de France qui le souhaitent, et les supporters de la rébellion syrienne, aillent vivre à Raqqah sur les bords de l’Euphrate, ils comprendront pourquoi nous préférons, nous, défendre la Liberté de conscience, d’expression, de dessiner comme il nous semble, ne voulant surtout pas nous soumettre à un quelconque prophète, qu’il soit de nature divine ou pas. À Raqqah sont mises en application les merveilles de la Charia. C’est une danse funèbre au quotidien. À bon entendeur, salut !
Le gouvernement syrien n’est pas exempt de très graves fautes, d’aveuglement politique, mais ce que nous vivons aujourd’hui, ce sont les ondes de choc de l’intervention américaine, sous un faux prétexte, en Irak. Puis ce fut le tour de la Libye. Bernard-Henri Lévy et Sarkozy sur le front.... du Verbe.... On les entend beaucoup moins sur le sujet, même si l’on continue à les voir, à les écouter s’offusquer sur les plateaux de télévision. Derrière eux, une Libye à feu et à sang.
C’est curieux, ils ne se sont jamais préoccupés de l’Arabie saoudite, terre nourricière du somptueux salafisme que des criminels tentent d’appliquer au nom du Prophète (qui ne les reconnaît pas, bien sûr : il me l’a confié) en Irak, en Syrie, venant frapper jusqu’au cœur de Paris. Pour l’un d’entre eux, allant même conférencer dans la Péninsule arabique à un tarif à faire pâlir le moindre ministre de notre République. Il y a des paradoxes, comprenez-moi, dont je ne parviens pas à saisir la portée. Cabu nous dirait : "Mais riez, riez camarades, c’est à pleurer !"
Eh oui, je lis le Coran de temps en temps et de temps en temps, la Bible, les textes mystiques. Je m’instruis, j’essaie de comprendre. Mais à ces textes-là, je préfère, de loin, ceux des Grands poètes insoumis.
Ici, on veut défendre la laïcité, là-bas on pourfend le peu qu’il en reste.
Bernard-Henri Lévy s’était même écrié, dans un fameux article : "Sauvons Alep", ville martyrisée, selon lui, par l’armée syrienne. Des amis qui sont encore là-bas, chrétiens pour certains d’entre eux, m’affirment que sans la présence de cette armée, il y a longtemps que leurs têtes auraient roulé sous la table. D’ailleurs, Alep s’est vidée de sa population. Devinez pourquoi. C’est à cause du régime. Dixit l’ensemble des commentateurs de notre presse objective. Un jour, nous demanderons aux Syriens, oui, à tous les Syriens : ils sauront nous éclairer avec une plus fine subtilité que BHL et que la plupart des commentateurs sur l’origine de cette tragédie. Je n’arrive pas à croire à l’aveuglement de notre diplomatie. J’oscille entre l’incompétence ou la complicité.
Un exemple, ils vont tous au Maroc, chanter les louanges du royaume dont le peuple est à genoux. Le Roi des croyants n’a pas autorisé la publication des caricatures, que je trouve très douces, de Charlie Hebdo. C’est beau, c’est très beau, l’amitié entre les peuples. C’est d’ailleurs là-bas que BHL et tant d’autres coulent des vacances paisibles dans leurs riads de luxe. En effet, l’amitié se moque des religions et c’est très bien ainsi.
En France, les religions à la maison, les crèches de Noël dans les églises, les croyants dans l’intimité de leurs croyances, et la visée politique n’est sans doute pas celle de faire croire à tout un chacun que le miracle d’une vie est de devenir milliardaire. Remettons le pays sur les rails d’une vraie laïcité, d’une justice sociale qui ne soit pas mots en l’air.
La laïcité véritable, dans les faits, c’est cela qu’il nous faut remettre à flot, ainsi que l’école qui glisse peu à peu, sans que cela soit de sa responsabilité, vers un apartheid éducatif, du fait des ghettos, de l’abandon de l’école publique, de ce monde marchand, accablant, qui lessive les cerveaux.
Charliberté, en hommage à René Char et à ces merveilleux insoumis de Charlie qui font ce qu’il y a de très beau dans ce pays.
Belle année à vous,
Toutes ces milliers de mains de la Résistance active, la plus invisible, mais la plus vraie, la plus émouvante, celle du Peuple, si ce mot peu s’entendre encore.
Photographies de Joël Vernet, Syrie, 2008. Droits réservés.